Lyon (69) - Le souci du détail pour la réhabilitation d'une petite copropriété en mâchefer
Cette copropriété mitoyenne en mâchefer est située à Lyon 3e (69). Le bâtiment a été construit en 1955 par un unique propriétaire pour y loger sa famille et pour de la location et a été vendu en lots en 2014. Le bâtiment a fait l’objet d’un audit énergétique global puis d’une rénovation à base de matériaux bio ou géosourcés.
Bien que construit après 1948, ce bâtiment a été édifié avec une technique constructive ancienne dans la tradition du pisé, mais avec un matériau dérivé de la fabrication de l'acier : le mâchefer.
Le bâtiment et son contexte
La copropriété est installée à l’extrémité est du 3e arrondissement de Lyon à 100 m de l’hôpital Edouard Herriot (bâtiment inscrit au titre des monuments historiques). Ce quartier est nommé Clos de Chaussagne au XIXe siècle grâce à sa proximité avec l’ancien village de Chaussagne. Urbanisé au début du XXe siècle en parallèle de l’hôpital, il comporte des logements collectifs alors que les environs ont été construits de maisons individuelles éloignées des grands axes. Ce quartier est attractif avec des cœurs d’ilots végétalisés dans un milieu urbain.
Le bâtiment a été achevé en 1956 sur un terrain acheté en 1954 en face de jardins potagers (devenus actuellement des terrains de sport) par un unique propriétaire suite à des dommages de guerre. À l’origine, le propriétaire habitait le rez-de-chaussée avec sa famille. Il y avait deux appartements au 1er étage, le premier était occupé par la grand-mère et le second loué. Enfin, le dernier étage comprenait des chambres d’étudiants (immeuble à proximité des facultés de santé).
Figure 1 - Le bâtiment (rouge) face aux jardins potagers en 1962 (Source : IGN)
Figure 2 : Plan de situation |
Sa façade nord est en retrait de 4 m environ par rapport à la rue, ce petit espace vert forme un espace tampon entre le bâtiment et la rue.
Sa façade sud donne sur un jardin en fond de parcelle limité par des murs en pisé de mâchefer. Il est en continuité avec les autres jardins qui forment un cœur d’îlot.
Un bâtiment annexe abrite deux garages, il est couvert par une toiture en plaques ondulées de fibrociment.
Figure 3 : Plan de masse
L’immeuble est mitoyen sur sa façade ouest et comporte deux étages au-dessus d’un rez-de-chaussée surélevé. Sa surface habitable est de 314 m² avec 96 m² par niveau et 26 m² pour les combles qui ont été aménagés. Il est typique des habitats à bon marché construits à Lyon entre 1920 et 1960. Sa structure combine des façades porteuses en pisé de mâchefer de 40 cm d’épaisseur et des planchers en béton pour les étages courants et bois pour le plancher haut. Les chaînages verticaux ou horizontaux sont réalisés en béton armé. Le soubassement est en béton de gros gravier pour limiter les remontées capillaires dans les murs. Sur la façade nord, l’épaisseur des murs est plus faible en allège des fenêtres et autour de la verrière posée en feuillure (structure en béton armé). La façade ouest est aveugle. La façade est mitoyenne avec la maison voisine est couronnée par une couvertine.
La charpente traditionnelle de la toiture à trois pans est composée de fermes et de demi-fermes pour les arêtiers avec une couverture en tuiles mécaniques plates de terre cuite. |
Figure 4 : Façade est mitoyenne (Source : André Charron) |
Figure 5 : La façade sur rue est orientée au nord
Diagnostic avant travaux
Etat technique et sanitaire du bâtiment
Le bâtiment est en état général correct, mais présente quelques points à traiter pour éviter une dégradation plus avancée.
La charpente de la toiture d’origine est en excellent état général.
Cependant, la couverture en tuiles de terre cuite est en fin de vie et la zinguerie est à refaire (gouttières en applique et descentes en façades) car son mauvais état est à l’origine de fuites qui ont fait pourrir trois chevrons et sont susceptibles de dégrader les têtes de murs.
Les cheminées sont abîmées et présentent un risque d'effondrement. De plus, elles ne sont plus utilisées : la cheminée en faîtage était celle de la chaudière collective déposée dans les années 1990 et les hautes cheminées côté rue reprenaient des conduits de ventilation naturelle bouchés depuis ces mêmes années, car remplacées par une ventilation mécanique contrôlée collective installée en combles avec une sortie indépendante.
Figure 6 : Charpente existante |
Figure 7 : Fuites sous la couverture en tête de mur |
Le rez-de-chaussée surélevé combiné à des caves ventilées et à un sous-bassement en béton de gros gravier ont protégé le bâtiment des problèmes d’humidité en provenance du sol.
Figure 8 : Sous-sol en béton de gros gravier (Source : Cerema) |
Figure 9 : Rez-de-chaussée surélevé pour éviter les remontées d'humidité (Source : Cerema) |
Les façades comportent des petites fissures à l’extérieur et à l’intérieur du fait de l'association du mâchefer, matériau principal des murs, et du béton, présent à l’origine. En effet, ces deux matériaux ont des caractéristiques physiques différentes (résistance à la compression, dilatation thermique), ce qui a provoqué ces fissures. Il s’agit donc intrinsèquement d’un problème de conception.
Le mâchefer [1] est issu du recyclage des résidus des hauts fourneaux de la sidérurgie puis mélangé à un liant (ciment et/ou chaux), ainsi qu’éventuellement de pouzzolane ou de sable. Sa composition est de ce fait très variable.
C’est un matériau léger, friable et poreux.
De la fin du XIXe aux années 1960, le mâchefer a été beaucoup utilisé pour la construction dans les régions lyonnaise et stéphanoise du fait de son faible coût et de son abondance.
Figure 10 : La façade Nord a fait l’objet d’une injonction de ravalement (Source : André Charron) |
Figure 11 : Fissure au droit de la verrière (Source : Cerema) |
Les garde-corps et les volets métalliques présentent des points de rouille et nécessitent une remise en peinture et un entretien suivi.
Les épaufrures des nez de balcons en façade sud nécessitent d’être reprises.
[1] Voir les fiches de l’étude CAUE69-Cerema en cours qui comprend notamment la caractérisation de ses propriétés mécaniques, thermiques et acoustiques.
État énergétique
Un audit énergétique global a été réalisé avant les travaux. Il a ciblé les travaux sur les parties collectives de la copropriété à engager pour respecter le programme Ecoreno’v [2] tout en préservant les qualités du bâti. Les déperditions passent par les murs et ponts thermiques (48 %), les menuiseries (23 %) et le plancher du rez-de-chaussée.
Les menuiseries d’origine étaient en bois avec du simple vitrage de 6 mm.
Elles ont été remplacées par des menuiseries bois avec double vitrage 4/16/4 Fe (Uw=1,4 W/m². K) en 2015 individuellement pour chaque copropriétaire avec l’intervention de la même entreprise (sauf pour un logement du premier étage dont le propriétaire y était opposé).
Les occultations sont des persiennes métalliques manuelles sur toutes les fenêtres qui se replient contre les tableaux.
Les murs en mâchefer ont 40 cm d’épaisseur excepté autour de la verrière et en allège des fenêtres où l’épaisseur est de 20 cm.
Les déperditions thermiques des murs sont essentiellement réparties sur les façades nord, ouest, sud. La façade est mitoyenne sur la moitié de sa surface. Les déperditions des murs représentent 19 % des déperditions thermiques totales auxquelles il faut ajouter celle des ponts thermiques associés.
De plus, la toiture n’est pas isolée et représente globalement 13 % des pertes de chaleur de l’immeuble.
[2] Ecoreno'v est un service de la Métropole de Lyon pour conseiller et accompagner les projets d’éco-rénovation ambitieux de l'habitat. L’aide concerne la prise de décision (audit et maîtrise d’œuvre) et la réalisation des travaux. Ce programme vise à ramener les bâtiments existants à un niveau de performance énergétique équivalent, voire supérieur au niveau BBC Rénovation (selon le niveau choisi). Pour les copropriétés, la réduction de consommation d’énergie primaire doit être au minimum de 35 %.
État patrimonial et architectural
Le bâtiment est typique des habitats à bon marché construits à Lyon des années 1920 aux années 1960.
La composition de ses façades est sobre, sans modénature.
L’aspect fonctionnel et la qualité d’usage est particulièrement bien traité à une époque où l’organisation des bâtiments prenait peu en compte l’orientation. Ainsi, à l’origine, toutes les pièces humides (salles de bain, toilettes et cuisines) étaient situées en façade nord, alors que les pièces de vie (chambres et séjours) étaient situées au sud et éclairées par des portes-fenêtres donnant sur les balcons.
Les menuiseries sont en bois et les volets métalliques à persiennes se replient dans les tableaux.
Le mâchefer, matériau de recyclage peu onéreux, a été utilisé sous diverses formes : blocs assemblés ou en béton banché. Dans les régions lyonnaise et stéphanoise, il est venu remplacer le pisé de terre crue qui avait été interdit dans les constructions en 1856 par le préfet Vaisse à la suite d’inondations importantes sur la rive gauche du Rhône dans la ville de Lyon. Dans ces régions en effet, la production d’acier et de houille générait en quantité des résidus. En parallèle la technique de mise en œuvre du pisé de terre crue largement utilisée était transposable à ce matériau bon marché et moins sensible à l’eau que celui-ci. Les ingénieurs et entrepreneurs lyonnais François Cointereaux puis François Coignet ont beaucoup contribué à l’adaptation de cette mise en œuvre vernaculaire.
Ainsi de nombreux bâtiments (usines, églises, immeubles et maisons) ont été construits en pisé de mâchefer en régions lyonnaise et stéphanoise. Ceux-ci ne sont pas facilement identifiables une fois recouverts d’un enduit, car ils n’ont pas de caractères typologiques propres, si ce n’est la présence fréquente d’un rez-de-chaussée surélevé. Pour les bâtiments à multiples niveaux, le mâchefer était souvent associé à une structure en béton armé ce qui est le cas sur ce bâtiment pour les planchers et chainage.
Figure 12 : Méthode lyonnaise de mise en œuvre du pisé : La terre est comprimée entre des banches en bois reliées par des clés. Le damage avec un pisoir permet de resserrer les grains et assure la cohésion. Lors de la mise en œuvre, le damage est plus important sur les bords qu’en milieu du mur. Les cordons de mortier de chaux sont présents entre les banchées. Généralement, les trous laissés par les clés sont rebouchés au mortier de chaux (Source : WATERLOT G., D’YVOIRE B. Le bâti ancien en Lyonnais, Limoges : Imprimerie Centre, coll. « Connaissance de l’habitat existant », 1981 et CRATERRE Construire en terre, Paris : Imprimerie Gamma, éd. Alternatives, coll. « AnArchitecture », 1983)
Figure 13 : Façade d'un bâtiment industriel en pisé de mâchefer à Villeurbanne : on distingue les chainages et les couches successives (avec les empreintes des banches et les trous rebouchés des clés qui maintiennent les banches pendant le tassement du matériau au pisoir)
Les éléments patrimoniaux remarquables
Les seuls ornements sont :
- Une verrière de grande hauteur sur la façade qui apporte de la lumière naturelle dans la cage d’escalier à travers un quadrillage en simple vitrage martelé trichromatique. La porte d’entrée est en bois avec un insert vitré vertical au milieu. Une grille de défense en serrurerie protège le verre martelé.
- Le marquage de l’entrée par un encadrement et un motif de façade
- Un encadrement lissé et fin (2 cm) autour des baies.
Sur la façade sud, des balcons filants prolongent les logements au-dessus du jardin.
Figure 14 : Verre martelé trichromatique (Source : Cerema)
Les éléments sans intérêt
Les éléments techniques nuisent à la composition générale avec notamment des cheminées très hautes en toiture présentes dès l’origine du bâtiment.
Figure 15 : Cheminées de grande hauteur
Projet de réhabilitation
Programme architectural et énergétique
Cahier des charges du maître d’ouvrage
L’objectif était de profiter de la nécessité de remise en état de l’enveloppe : couverture vieillissante et ravalement des façades nécessaire pour améliorer le confort thermique pour les habitants de l’immeuble tout en diminuant les consommations de chauffage. Un arrêté municipal de la ville de Lyon du 6 octobre 2014 exigeait que les façades des constructions riveraines de la rue où se situe ce bâtiment soient ravalées en 2019 si cela n’avait pas été le cas depuis moins de dix ans.
Acteurs du projet
Le maître d’ouvrage est le syndicat de copropriété avec une maîtrise d’ouvrage déléguée assurée par la régie (Lyon Régie). La régie de l’immeuble a notamment monté le dossier de subvention. Le dossier a ensuite été suivi par l'Agence Locale de l'Énergie et du Climat (ALEC) de la Métropole de Lyon qui a eu un rôle d’accompagnement, de contrôle et de validation de la solution technique retenue.
Deux des copropriétaires sont architectes et se sont fortement impliqués dans le projet dont un qui a assuré la maîtrise d’œuvre (AIRIAL architectures).
Du fait de la protection patrimoniale de l’immeuble au titre des abords d’un monument historique (hôpital Edouard Herriot), l’architecte des Bâtiments de France a été consulté en amont de la déclaration préalable.
Un ingénieur structure bois est intervenu pour l’aménagement des combles (vérification de la portance, des assemblages et contreventements, conception de la trémie).
Projet et études réalisés
Une étude thermique a été réalisée par le maître d’œuvre pour les besoins du programme Ecoreno’v. Cette étude thermique a également intégré une modélisation des masques solaires et une estimation de la durée d’ensoleillement annuelle. Elle a montré que la façade sud très ensoleillée en hiver pouvait compenser ses déperditions par les apports solaires, au contraire de la façade nord.
Un rapport de repérage d’amiante avant travaux établi en juin 2017 en vue de réaliser une isolation extérieure, une projection d’isolant sur le plancher bas, une isolation du comble, le ravalement et la rénovation des parties communes (hors cave) a confirmé après prélèvement et essais l’absence d’amiante.
Cependant, les combles non visités comportaient des conduits en fibre de ciment à tester avant travaux.
Avant la mise en œuvre, le fabricant de fixations a procédé à un percement et un test d’arrachement du complexe isolant sur place. Ce test a visé à mesurer la résistance caractéristique selon le cahier 3035-v3 du CSTB et de recommander la longueur des chevilles à utiliser ainsi que leur densité par panneaux dans ce contexte particulier du pisé de mâchefer.
Une étude structure bois a également été menée pour l’aménagement des combles.
Synthèse
Il s’agit là :
- D’une réhabilitation qui touche principalement l’enveloppe ;
- Différenciée selon les orientations ;
- Dans une copropriété avec quelques copropriétaires particulièrement engagés (deux architectes) ;
- Avec une prise en compte du comportement du matériau particulier qu’est le mâchefer ;
- Dans un souci de mise en valeur de ce bâtiment typique de son époque (HBM) ;
- En privilégiant l’utilisation de matériaux biosourcés pour leur qualité perspirante ;
- Avec un soin apporté aux finitions pour une architecture simple et fonctionnelle.
Travaux
Des travaux sur les équipements avaient été réalisés en 1995 : installation de chauffage individuel au gaz et de VMC gaz. Les menuiseries avaient été changées en 2015 sauf sur un logement dont le propriétaire a voulu conserver les menuiseries en simple vitrage (6 mm).
Par ailleurs, la vente en lots de l’immeuble a modifié en partie la configuration intérieure du bâti puisque le dernier étage a été transformé en un appartement et un local d’activité (bureaux d’un architecte). Ce propriétaire a par la suite acheté les combles de l’immeuble pour les aménager.
Des travaux ont été réalisés par des propriétaires de lots (au rez-de-chaussée et au dernier étage) et d’autres par la copropriété.
Le chantier a débuté au printemps 2020. La levée des réserves n’est pas encore réalisée en août 2021 du fait de dommage esthétique sur l’enduit.
Aménagement des abords
Le traitement des abords est fait en harmonie avec le bâtiment : côté rue les barreaudages, les murs et piliers formant la clôture existante sur rue sont traités de la même manière que la façade. Le garage est peint dans la même teinte.
Le mur de clôture est (sur rue et côté jardin) est enduit de la même façon que la façade.
Structure
La structure n’a pas été modifiée, car en bon état, hormis la modification pour l’aménagement des combles. L’étude structure a préconisé pour permettre l’aménagement des combles :
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Figure 17 : Moisage pour l'assemblage de la panne intermédiaire (Source : Raccord Concept bois) |
Humidité
Des matériaux isolants perspirants ont été choisis pour être en adéquation avec les propriétés hygriques du mâchefer, qui est ouvert à la diffusion de vapeur.
Murs
Le projet propose ainsi une isolation par l’extérieur des façades nord et ouest.
La façade orientée sud complexe à isoler avec ses balcons filants de 90 cm de large et ses parois vitrées importantes et la façade est mitoyenne sur 50 % de sa surface ne sont pas isolées.
L’isolation thermique extérieure des murs extérieurs est en fibre de bois de 16 cm recouverte de 2 cm d’enduit à la chaux (R = 4,1 m². K/W). Seules les façades nord et ouest ont donc été isolées.
Figure 18 : Façade nord isolée par l'extérieur (Source : André Charron) |
Figure 19 : Enduit sur la façade sud (Source : Cerema) |
Le complexe d’isolation est un système destiné aux murs en maçonnerie, il est constitué :
- Des panneaux en fibres de bois collés et fixés mécaniquement par chevilles sur le mur support ;
- D’un sous-enduit à base de liant organo-minéral, armé d’un treillis en fibre de verre et appliqué directement sur les panneaux.
L’entreprise a proposé un complexe isolant différent (Webertherm WM FdB) mais équivalent à celui prévu par le maître d’œuvre (ZOLpan) compatible avec la fibre de bois. Néanmoins, ce produit étant nouveau sur le marché, il ne disposait pas de document technique d’application (DTA). Le DTA a été obtenu a été obtenu 4 mois après les travaux, le 27/07/21.
Différence du nouveau complexe isolant, raison : décision de l’entreprise habituée à ce fournisseur
Le fabricant de chevilles a réalisé des essais à l’arrachement pour la fixation de l’isolation par l’extérieur qui se sont révélés concluants. De ce fait, il n’y a pas eu de de mise en œuvre spécifique du fait qu’il s’agisse de mâchefer.
L’ensemble des façades est couvert par une finition en revêtement minéral épais taloché grain fin à base de chaux aérienne. Les teintes ont été choisies dans un souci d’apporter de la lumière en façade nord. Les baies et les éléments remarquables sont clairs, le fond est dans une teinte plus soutenue. Les serrureries restaurées (garde-corps et persiennes) tranchent dans un ton foncé qui tend légèrement au vert.
Figure 20 : Pose des panneaux de fibre de bois |
Figure 21 : Sous-enduit |
L’influence de l’architecte des bâtiments de France a été positive : ce bâtiment se prêtant à une isolation thermique par l’extérieur, ses prescriptions sur les détails de mise en œuvre au niveau du soubassement ont permis une bonne intégration de celle-ci.
En pied de façade, un isolant complémentaire enterré en liège marque le retrait du soubassement dans une proportion identique à celle existante avant isolation. Cette isolation en soubassement cohérente du point de vue architectural n’était pas nécessaire d’un point de vue thermique puisque le retour d’isolation au droit du plancher bas était déjà suffisant : le plancher du rez-de-chaussée est à environ 70 cm de hauteur par rapport au terrain naturel.
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Figure 22 : Traitement du soubassement pour limiter le décalage dû à l'isolation du mur
Plancher haut / toiture
La toiture a été isolée au moyen d’un système mixte incluant 10 cm d’isolant en laine de bois entre chevrons, côté intérieur, et 22 cm de fibre de bois dense en sarking par-dessus la volige (R = 7.25 m². K/W), ce qui amène une élévation de la toiture de l'ordre de 20 cm.
Figure 23 : Isolation de la toiture par sarking
Le forget de la toiture isolée a été reconstitué afin que l’épaisseur de l’isolation par l'extérieur ne soit pas visible : les anciens chevrons de la toiture ont été arasés au nu de la façade. De nouveaux « faux chevrons » (rôle uniquement esthétique) ont été installés pour réaliser le débord de toiture.
Figure 24 : Détail du traitement du débord de toiture pour ne pas laisser apparaître de surépaisseur en façade. |
Figure 25 : Faux chevrons en débord de toiture (Source : Cerema) |
Les cheminées inutiles (suppression de la chaudière collective, déplacement du bloc VMC lors de l’aménagement des combles), inesthétiques du fait de leur hauteur et menaçant ruine ont été détruites à l'exception de celles situées à l'est.
La sortie de ventilation mécanique en toiture a été remplacée par un matériel plus intégré dans une finition teinte tuile.
Planchers bas
L’isolation du plancher bas (hors cage d’escalier) a été réalisé par le dessus avec 6 cm de polyuréthane projeté avant la pose d’un plancher chauffant (R = 3.1 m². K/W) : action individuelle du propriétaire du logement du rez-de-chaussée.
Menuiseries
Les fenêtres ayant été changées en 2015, la surépaisseur d’isolation aux ouvertures, appuis, verrière, entrée a été intégrée pour ne pas nuire à l’harmonie de la façade.
Les appuis de fenêtres sont recréés et les barres d’appui ont été coupées et refixées afin de garder le même recul vis-à-vis de la façade.
Figure 26 : Coupe sur la fenêtre montrant la reconstitution de l'appui de baie |
Figure 27 : Vue en plan de la baie avec la fixation de la barre d'appui |
La verrière est réintégrée à l’ensemble, le cadre de l’entrée est structuré en creux par l’épaisseur de l’isolant.
Le cadre saillant de la verrière aurait pu être restitué, comme l'ont été les appuis de baie. En effet, ces cadres béton saillants sont très caractéristiques de ces architectures du début de la modernité.
Figure 28 : Mise en valeur de la verrière (source : Cerema) | Figure 29 : Conservation du marquage de l’entrée (source : Cerema) |
Des protections solaires sont prévues en façade sud, mais pas encore installées.
Actions individuelles
Les lots privatifs du dernier étage ont profité de l'opération pour aménager les combles sans créer de nouvelles surfaces de plancher.
Cet aménagement s’est accompagné de la mise en place de fenêtres de toit en bois (Uw de 1,1 à 1,3 W/m². K) de taille réduite 55 × 78 cm pour limiter l’impact visuel du fait de la zone de protection patrimoniale. Deux sont installés sur les pans sud et nord alignées entre elles et aux baies en façade et une sur le pan ouest.
Figure 30 : Fenêtres de toit de petite taille alignées sur les baies en façade
Aménagement intérieur
L’organisation des logements bien pensée à la construction a peu évolué à l’exception de deux appartements en rez-de-chaussée et au 1er étage où une chambre et venue remplacer la cuisine (reportée sur la façade Sud).
Lors de l’aménagement des combles, un soin particulier a été apporté à la mise en œuvre du frein vapeur hygrovariable dont les bords ont été marouflés au plâtre.
La cage d’escalier n’a pas été isolée par rapport aux appartements sauf au dernier étage entièrement restructuré avec les combles par le même propriétaire.
Figure 31 : bord du frein vapeur marouflé au plâtre (Source : Cerema)
Chauffage et eau chaude sanitaire (ECS)
Le chauffage et l’eau chaude sanitaire sont produits par des chaudières gaz standard individuelles installées en 1995. Elles sont reliées au réseau d’extraction de la VMC et n’ont pas été modifiées.
Des robinets thermostatiques sont installés dans tous les logements (excepté appartement du rez-de-chaussée à droite) chauffé par des radiateurs électriques. Ce même logement produisait l’eau chaude sanitaire par un chauffe-eau électrique.
Pour ce logement particulier du rez-de-chaussée une action individuelle a consisté à remplacer le cumulus électrique pour l’eau chaude sanitaire et les convecteurs électriques pour le chauffage par une chaudière gaz à condensation.
Ventilation
Une VMC gaz simple flux hygro A collective a été installée en 1995 lors de la transformation des chambres d’étudiants en appartements afin de respecter les débits réglementaires. L’air est extrait des salles de bains et des toilettes des logements et transite via un réseau distribué sur deux colonnes dans la cage d’escalier. L’extraction en cuisine se fait par l’intermédiaire des chaudières individuelles, elles-mêmes raccordées sur les colonnes de la cage d’escalier. Le dispositif stoppe la combustion des chaudières en cas de coupure de la VMC. Les menuiseries comportent des entrées d’air dans les pièces de vie.
Figure 32 : Ouverture pour la circulation de l'air entre les caves individuelles (Source : Cerema) |
Figure 33 : Soupirail dans les caves (Source : Cerema) |
Les caves sont ventilées naturellement grâce à des soupiraux protégés par des grilles perforées, la circulation de l’air est possible entre les caves grâce à des ouvertures dans les séparations. |
Figure 34 : Soupirail coté extérieur (Source : Cerema) |
Problématiques transversales
- Ponts thermiques
L’isolation par l’extérieur élimine les ponts thermiques des refends et planchers sur les façades.
Du fait de la non-simultanéité du changement des fenêtres (2015) et de la rénovation de façade (2020), les ponts thermiques entre murs et menuiseries n’ont pas pu être évités : Il n’y a pas de retour d’isolation sur les tableaux des ouvertures.
Figure 35 : Vue en plan : les tableaux ne sont pas isolés
Figure 36 : Arrêt de l'isolation autour de la verrière. L'encadrement saillant n'a pas été restitué.
Ces éléments, tout comme la partie du plancher bas non isolé, donnent sur la cage d’escalier qui est un espace non chauffé.
Bilan de la réhabilitation
Consommations et confort thermique après travaux
- En théorie
Avant travaux le bâtiment est classé avec une étiquette E pour une consommation énergétique calculée de 272 kWhEP/an/m²
Le gain énergétique calculé selon le moteur de calcul « RT existant » est de 43 %, faisant ainsi passer le bâtiment en étiquette D (153 kWhEP/an.m²), très proche de C.
Pour bénéficier du 2ᵉ niveau de l’aide Ecoreno’v, il aurait fallu atteindre le niveau BBC Rénovation (96 kWh/m²/an) soit un gain de 65 % par rapport à la situation avant travaux.
Figure 37 : Consommation calculée avant et après rénovation
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Figure 38 : Esquisse de la façade sud (non retenue) permettant une économie supplémentaire de 9 % |
- En pratique
Pour l’instant, il n’y a pas de comparaison avant / après, car les travaux sont trop récemment terminés.
Le ressenti a été très favorable pendant l’été dans les combles notamment, avec une température confortable et une absence de sensation de courant d’air, le chauffage a été démarré un mois après les années précédentes.
Reconnaissances obtenues
Fiche de visite Ecoreno’v
Articles de journaux :
- Le progrès
- Hors-série « La maison écologique » - Rénovation en copropriété
Bilan financier
Le coût des travaux de la copropriété s’est élevé à 130 000 € TTC au total :
- Isolation des murs : 72 000 €
- Reprise de charpente et isolation de la toiture : 47 000 €
- Ingénierie (Maîtrise d’œuvre, syndic, coordinateur SPS) : 11 000 €
Les travaux ont fait l’objet d’aides de la Métropole de Lyon via le dispositif Ecoreno’v, de la ville Lyon et de certificats d’économies d’énergie.
- Ecoreno’v base : 10 000 €
- Bonus Ecoreno’v biosourcés : 5 000€
- Ville de Lyon : 5 000€
- Certificat d’économies d’énergie : 4 659€
Un comparatif des dépenses pour la copropriété a été présenté :
- Sans engager de travaux ;
- Avec les travaux du scénario réalisé (+ équipement individuel en chaudière à condensation) en prenant en compte une augmentation du coût de l’énergie de 4 %, un financement par prêt à un taux de 2.5 % sur 20 ans et les diverses aides pour les travaux.
Le temps de retour sur investissement calculé pour le scénario mis en œuvre est de 10 ans.
Figure 39 : Comparatif des dépenses sur 20 ans avec ou sans travaux
Difficultés rencontrées
Une décision de travaux en copropriété est un processus long qui a débuté en 2014 et a été soumis trois fois au vote avant d’être accepté grâce au renouvellement de la moitié des copropriétaires (dont deux foyers comprenant des architectes et un bailleur urbaniste). L’injonction de ravalement a ici été un moteur pour accélérer la décision de travaux en syndic de copropriété : un rendez-vous anticipé a été programmé avec la technicienne des ravalements de façades à la Direction de l’Aménagement Urbain qui a confirmé que l’immeuble était concerné par une injonction.
Une rupture d’approvisionnement en enduit chaux suite à la situation sanitaire en 2021 a ajouté un délai d’un mois pour les travaux. Lors de la dépose de l’échafaudage, il y a eu quelques arrachements de l’enduit (repris ensuite) qui restent visibles. Quelques fissures sont également apparues sur l’enduit malgré une application dans de bonnes conditions de température (printemps). Les prescriptions de mise en œuvre n’ont, en effet, pas été respectées. Ainsi, le harpage des panneaux d’angle (façon de faire se recouvrir les panneaux aux angles entre les rangées) et le décalage des joints n’a pas été soigné.
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Figure 40 : Alignement des joints entre panneaux (source : André Charron) |
Maîtrise d’ouvrage : Maîtrise d'ouvrage déléguée : Lyon Régie - Lyon 6e | |
Maîtrise d’œuvre : AIRIAL Architectures | |
Consommation énergétique : | |
Avant travaux : 272 kWhEP/m²/an Après travaux : 153 kWhEP/m²/an |
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Consommation énergétique conventionnelle en énergie primaire pour le chauffage, l’eau chaude sanitaire (ECS), le refroidissement, la ventilation et l’éclairage, calculées à partir d’un logiciel réglementaire pour la réglementation thermique (RT) des bâtiments existants. |
Rédacteur de la fiche : Isabelle Pereyron (Cerema Centre Est)
Crédits photos : Mathieu Cadic (sauf mention contraire)
© 2021 CREBA
Pour plus d'informations : contact@rehabilitation-bati-ancien.fr