Colloque CREBA 2023 - Intervenir sur le bâti ancien à l'heure de la transition énergétique des territoires
Le 17 octobre 2023 à l'Hôtel de Région Normandie - Rouen
Comment intervenir sur le bâti ancien à l’heure de la transition énergétique des territoires ?
C’était le thème de cette nouvelle édition annuelle du colloque du Centre de ressources pour la réhabilitation responsable du bâti ancien (CREBA), qui s’est tenue à Rouen le 17 octobre 2023, soutenue par la Région Normandie et la Métropole Rouen Normandie.
L’architecte Philippe Prost, grand prix national de l’architecture 2022, était le grand témoin de la journée, qui a réuni plus de 180 personnes aux profils variés : architectes, bureaux d’études, maîtres d’œuvre, entreprises, collectivités, services de l’État, étudiants...
La réhabilitation du bâti ancien, un enjeu majeur de la transition énergétique, mais pas seulement
La rénovation énergétique du bâti ancien est à la croisée de plusieurs enjeux majeurs :
enjeux environnementaux : de par leur niveau de consommation énergétique moyen et leur nombre (30% du parc résidentiel existant environ), les bâtiments anciens (c-est-à-dire, le bâti datant d’avant 1948) doivent contribuer à l’atteinte des objectifs nationaux de réduction des consommations énergétiques et d’émissions de gaz à effet de serre ;
enjeux culturels : une grande partie du patrimoine architectural est constituée de bâtiments anciens qui ne sont pas, pour la plupart, protégés par des dispositifs spécifiques. Leur réhabilitation induit pourtant une problématique de conservation et de mise en valeur ;
enjeux techniques : le bâti ancien présente des particularités constructives et un comportement physique très différent des constructions modernes. En particulier, sa forte sensibilité à l’humidité peut induire des risques de pathologie après une réhabilitation énergétique inadaptée (moisissures, condensation interne, …).
Afin de disposer d’un outil unique, collaboratif et évolutif dédié, le centre des ressources CREBA a été créé le 1er octobre 2018 pour aider les professionnels du bâtiment, et plus globalement l’ensemble des acteurs à mettre en œuvre une approche globale de la réhabilitation du bâti ancien.
Après Bordeaux en 2018, Strasbourg en 2019, Toulouse en 2022 (une longue absence liée au Covid), Rouen fut donc la quatrième ville à accueillir cette grand-messe nationale du bâti ancien.
Une journée riche en échanges et en enseignements
L’ouverture du colloque a été assurée par différents élus du territoire normand et des représentants des ministères qui soutiennent le centre de ressources CREBA :
Catherine Morin-Dessailly, Conseillère régionale de Normandie, Sénatrice de Seine-Maritime, qui a notamment souligné toute l’attention qu’elle portait pour le respect et la préservation du patrimoine.
Thibaut Beauté, Conseiller Régional en charge de la rénovation énergétique du bâti durable, a rappelé à l’assemblée que le bâti ancien était « un formidable lien entre le passé et l’avenir », et toute l’importance de préserver les savoirs anciens.
Djoudé Mérabet, 1er Vice-Président de la Métropole Rouen Normandie, en charge de l’urbanisme, a insisté notamment sur l’importance de rénover et améliorer le parc résidentiel existant
Roland Peltekian, Chef du bureau des sites patrimoniaux et du patrimoine mondial du Ministère de la Culture, a souligné l’importance des critères de diagnostics énergétiques posés dans le bâti ancien, pour que ne soient pas sous estimées leurs performances.
Yannick Pache, Chef du bureau de la réhabilitation du parc, des évaluations économiques et de l’Outre-Mer, DGALN, Ministère de la Transition écologiqu,est revenu sur les réglementations européenne et nationale qui imposent une réduction massive des gaz à effet de serre (GES) et des consommations d’énergie dans le bâtiment.
Martin Malvy, Ancien Ministre, Président de Cites et Cités Remarquable, qui a replacé les enjeux du CREBA dans une époque plus que jamais marquée par le réchauffement climatique ; il a aussi insisté sur la nécessité à revoir le périmètre réglementaire du diagnostic de performance énergétique (DPE).
Pascal Berteaud, Directeur Général du Cerema, a quant à lui notamment souligné l’importance du CREBA, « outil clé pour relever le défi de la rénovation de nos bâtiments anciens », et félicité la dynamique d’ouverture du CREBA vers d’autres partenaires.
Andrés Litvak, coordinateur du CREBA et responsable Bâtiment au Cerema Sud-Ouest, a présenté les différentes actualités et notamment le nouveau partenariat tout récemment établi avec La Fondation du Patrimoine.
Philippe Prost, a évoqué sa vision de la transition écologique et énergétique du bâtiment dans une conférence introductive qui a enthousiasmé l’assemblée.
Extraits choisis :
« Un bâtiment connaît plusieurs vies (...), le patrimoine consiste à continuer à assurer la transmission »
« L’architecture est un sport de combat, mais c'est aussi un sport collectif »
« L'architecture c'est le temps long »
« La réhabilitation du bâti ancien intervient à l'échelle d'un paysage culturel évolutif et vivant »
« La réhabilitation du bâti ancien a besoin d'un chef d'orchestre pour mener une démarche collective »
« La qualité ça coûte plus cher, mais cela rapporte plus au territoire et cela reste »
Deux tables rondes ont permis de débattre et d’apporter des réponses sur les questions de transitions vertueuses et de gouvernance au regard des enjeux techniques, patrimoniaux et énergétiques du bâti ancien.
Une première table ronde « Transitions vertueuses et gouvernance : quels enjeux techniques, patrimoniaux et énergétiques » a réuni des politiques ayant œuvré pour la réhabilitation du bâti ancien, où les différents outils, leurs limites ainsi que les perspectives d’amélioration ont été présentées. Sabine Drexler, Sénatrice du Haut-Rhin et auteur d’un rapport parlementaire, est notamment revenue sur ses différentes propositions telles que l’adaptation du DPE aux différentes typologies de bâti, en particulier le bâti ancien pour mieux prendre en compte ses performances réelles ; mieux prendre en compte les usages et le confort thermique d’été ou encore l’amortissement de son coût carbone.
Une seconde table ronde « Méthode et outils performants pour la réhabilitation responsable du bâti ancien » a permis de revenir sur ces sujets avec le regard technique de différents experts. Les outils pour caractériser les performances énergétiques du bâtiment anciens ont été évoqué avec exhaustivité et le regard critique des retours de terrain (audits énergétiques, système de formation...).
Le DPE a indéniablement été un des grands sujets de cette journée qui a soulevé beaucoup de questions et d’échanges entre les intervenants et l’assemblée.
Cela été dit dans le public : « Le diagnostic bâtimentaire est un incontournable de la réhabilitation du bâti ancien"
Des retours d’expérience sur le territoire normand ont permis d’illustrer au travers de cas concrets ces méthodes et outils performants pour la réhabilitation responsable, en présence des acteurs des opérations. Trois opérations de typologies variées (maison individuelle, bâtiment tertiaire de bureaux, immeuble collectif de centre-ville) ont été présentées par les architectes aux commandes de ces réhabilitation, et où les filières locales mais aussi les techniques et matériaux « CREBA compatibles » ont été évoqués et débattus.
Ces retours d’expérience ont fait écho avec la visite guidée de l’Aître Saint-Maclou, site remarquable du patrimoine rouennais, qui s’est déroulée la veille du colloque en présence d’une trentaine de participants très intéressés par cette réhabilitation d’ampleur d’un bâtiment historique.
Pour clôturer cette journée, Andrés Litvak, après avoir remercié les intervenants pour la qualité des échanges et toute l’implication et l’attention de l’assemblée, a rappelé les trois piliers du CREBA « Durabilité, Soutenabilité et Beauté » et la quatrième dimension, celle du « temps long », qui pourrait être contrebalancé par l’actualité brûlante du sujet et la priorité donnée dans les financements et décisions politiques. « Les territoires apparaissent comme les acteurs centraux de la réussite de notre transition ».
Il a conclu ce quatrième colloque en présentant les perspectives de 2024 :
un projet de création d’un centre de ressources pour la réhabilitation responsable du bâti contemporain (deuxième partie du XXe siècle) en partenariat avec le Ministère de la Culture, en s’inspirant de CREBA.
En plus des clubs locaux existants à Bordeaux, Toulouse et Strasbourg, pourquoi ne pas travailler à la création d’un club local à Rouen avec les partenaires du territoire normand ?