Merry-La-Vallée (89) - Un chantier d’auto-réhabilitation énergétique et patrimoniale exigeant
Cette ancienne ferme, située à Merry-la-Vallée dans l’Yonne (89), date probablement du XVIIIe siècle. Elle conserve encore aujourd’hui certains éléments de son passé rural, mis en péril par une humidité trop élevée au rez-de-chaussée. Depuis 2012, son nouveau propriétaire s’attache à la réhabiliter énergétiquement et patrimonialement, au travers d’un chantier exigeant.
Le bâtiment et son contexte
La maison se situe dans le hameau de Merry-la-Vallée, qui compte environ 400 habitants.
Il s’agit d’une ancienne ferme constituée de deux bâtiments : une maison et une grange perpendiculaire. La ferme est déjà inscrite au cadastre en 1832.
De nombreux éléments font de cette maison un exemple de conception bioclimatique :
- Le bâtiment principal est orienté nord-sud suivant sa longueur. La façade principale est orientée sud et bénéficie donc largement des apports solaires gratuits en hiver.
Figure 1 : Façade sud de la maison (source : CREBA)
- Du fait d’un terrain en légère déclivité, la façade nord est semi-enterrée sur environ 1,80 m. Ceci permet de limiter les déperditions thermiques plus importantes sur la façade nord que sur les autres façades du fait d’un accès limité au rayonnement solaire.
Figure 2 : Façade nord semi-enterrée
- La façade ouest est protégée des vents par un appentis, où se situe l’ancien four à pain. Ceci contribue également à limiter l’inconfort sur cette façade.
Le rez-de-chaussée de la maison, d'une superficie de 118 m², a été légèrement rénové dans les années 70. En revanche, l’étage est quasiment d’origine et n’a jamais été habité. Il servait uniquement à stocker du grain.
Le maître d'ouvrage a acheté cette maison en 2012, alors qu'elle était inoccupée depuis 7 ans.
Diagnostic avant travaux
État technique et sanitaire du bâtiment
La maison n’était pas habitable en l’état, notamment à cause d’une humidité trop élevée au rez-de-chaussée. Les murs sont faits en moellon de calcaire tendre (craie) avec un soubassement en silex. L’ensemble est assemblé à la terre argileuse. Les appareillages d’angles et les encadrements des baies sont en brique de terre cuite.
Au rez-de-chaussée, deux grilles de ventilation (une haute et une basse) étaient présentes. Malgré tout, l’humidité était très élevée. En l’absence de chauffage, de nombreuses pathologies sont apparues :
- développement de mousse sur le sol en tomettes ;
- pourrissement des plâtres ;
- ruissellement sur certains murs.
Le mur nord, semi-enterré dans un sol argilo-calcaire, est en grande partie responsable de cette humidité.
Figure 3 : Sol du rez-de-chaussée
L’étage était, quant à lui, d’origine. On y retrouve :
- un sol en tomettes ;
- un enduit chaux très dégradé sur les murs ;
- une charpente et une toiture en partie apparente.
Figure 4 : Etage avec toiture apparente et sur-comble (source : CREBA)
La toiture est constituée d’une charpente en chêne, de chevrons en peuplier et d’une couverture en tuiles plates. Il n’y avait pas de pathologies particulières sur la toiture, bien que les liteaux (pièces de charpente servant de supports aux tuiles) avaient fait leur temps.
État énergétique
La maison ne présentait aucune isolation thermique et toutes les fenêtres étaient en simple vitrage.
Le chauffage était assuré par trois poêles à mazout placés dans les trois anciennes cheminées. L’eau chaude sanitaire (ECS) était fournie par un cumulus électrique.
État patrimonial et architectural
Les éléments patrimoniaux remarquables
Dans un livre consacré à l’histoire de Merry-la-Vallée, on retrouve une fiche entière dédiée à la maison présentée ici.
Elle dispose notamment d’un ancien four à pain, accessible par la cheminée sur le pignon ouest. Le four est, quant à lui, dans un appentis séparé, pour éviter la propagation du feu en cas d’incendie.
Figure 5 : Entrée du four à pain (source : CREBA)
Figure 6 : Intérieur du four à pain (source : CREBA)
Les tomettes de l’étage sont également d’origine. Elles servaient à protéger le grain qui y était stocké. Le poids de stockage était important, d’où la présence de poutres surdimensionnées pour l’étage. Tous les greniers des maisons de la région étaient construits selon le même principe.
Figure 7 : Tomettes d’origine sur le sol de l’étage (source : CREBA)
Figure 8 : Poutre surdimensionnée pour l’étage (source : CREBA)
Une tuile gravée a également été retrouvée sur la toiture, avec le message « Fait par Etienne Roy – Tuilier – 11 mai 1788 ». La présence de cette tuile ne prouve pas que la maison date de 1788, les matériaux étant récupérés d’une maison à l’autre ces derniers siècles. Mais il est probable que la tuile soit d’origine, et ce, pour plusieurs raisons :
- la pente de la toiture est trop faible pour avoir été en chaume. Elle a donc dû avoir des tuiles dès le départ.
- la maison apparaît sur le cadastre Napoléonien de 1830, elle est donc antérieure à cette date.
Au-delà de ces éléments particuliers, la maison a une valeur patrimoniale de par ses matériaux de construction qui ont été conservés :
- murs en moellon de craie ;
Figure 9 : Murs de refend intérieur (source : CREBA)
- charpente d’origine surdimensionnée ;
- sol de l’étage soutenu par des lattes fendues en châtaignier, avec au-dessus un torchis et les tomettes posées sur une chape maigre de chaux et en dessous un plafond plâtré avec des poils d’animaux (vache ou cochon) pour faire le liant.
Figure 10 : Solives en chêne et lattes fendues en châtaignier
Figure 11 : Plâtre avec poils d’animaux (source : CREBA)
Les éléments patrimoniaux malmenés
Les murs extérieurs ont été recouverts par endroit par un enduit ciment. La présence de l’enduit n’étant pas homogène, il s’agissait donc de travaux palliatifs.
L’humidité était très élevée dans le bâtiment avant travaux, notamment à cause du mur enterré au nord. Des moisissures ont abîmé les murs en pierre, les cloisons en briques et le sol du rez-de-chaussée.
Enfin, le four à pain, qui n’était plus utilisé, avait été muré pour éviter les courants d’air avec l’appentis et les déperditions thermiques.
Projet de réhabilitation
Programme architectural et énergétique
Cahier des charges du maître d’ouvrage
L’objectif était de rendre habitable cette maison, tout en respectant diverses contraintes :
- conserver la valeur patrimoniale de la maison ;
- rendre le bâtiment le plus économe en énergie possible ;
- supprimer l’humidité du rez-de-chaussée ;
- être acceptable du point de vue financier.
Pour concilier les aspects patrimoniaux et énergétiques, le maître d’ouvrage a décidé d’utiliser des isolants biosourcés et locaux (dans la mesure du possible) tout en bannissant autant que possible les matériaux non adaptés au bâti ancien (ciment, laine minérale, PVC, etc.)
Acteurs du projet
Le maître d'ouvrage a longuement cherché dans sa région des artisans pouvant l'aider à mettre en oeuvre les procédés et les techniques non conventionnels qu'il avait choisis. Il a finalement choisi de réaliser la plupart des travaux lui-même, fort de l'expérience qu'il avait acquise au cours d'une précédente réhabilitation.
Les seuls professionnels à être intervenus sont :
- un menuisier pour les fenêtres en bois sur mesure. Cet artisan a été choisi, car il travaille beaucoup sur le patrimoine et ses coordonnées ont été fournies par Maisons Paysannes de France (MPF).
- un charpentier pour couper une poutre et installer des jambes de force pour la remplacer ;
- un terrassier pour le puits canadien, la cuve de récupération d’eau de pluie et le décaissement du sol dans la maison ;
- un foreur pour les pieux géothermiques pour la pompe à chaleur (PAC). Il est prévu de forer à 140 m de profondeur.
Il a plusieurs fois été questionné sur ses choix d’isolation et de matériaux par les professionnels avec lesquels il avait pris contact ou par ses proches. Une question qui revenait souvent est « Pourquoi ne pas plutôt utiliser de la laine de verre ? ». C’est avec patience qu’il a donc dû expliquer le comportement hygrothermique spécifique du bâti ancien et pourquoi la laine de verre n’était pas le matériau le plus adapté dans ce cas.
Projet et études réalisés
Le maître d’ouvrage a également fait tous les calculs et tous les choix de matériaux, en s’aidant de la littérature existante et de forums internet spécialisés. Il a donc réalisé seul :
- un calcul de répartition des déperditions thermiques ;
- le dimensionnement du puits canadien et de la ventilation ;
- le dimensionnement de la profondeur du puisage géothermique.
Pour le traitement de l’humidité, il a conçu un dispositif expérimental de « drains muraux ».
Figure 12 : Répartition des déperditions (source : CREBA)
Synthèse
Il s’agit là :
- d’un projet de réhabilitation lourde, devant rendre l’ensemble du bâtiment habitable ;
- réalisé en grande partie en auto-réhabilitation ;
- par un maître d’ouvrage très impliqué dans la sauvegarde du patrimoine ;
- qui intègre une démarche globale de réhabilitation énergétique ;
- mais qui s’inscrit également dans une démarche de restauration patrimoniale ;
- et qui privilégie l’utilisation des matériaux biosourcés et des techniques disponibles.
Travaux
Le chantier a débuté en 2012 et n’est pas terminé en 2020.
Aménagement des abords
Les abords du bâtiment ont été terrassés pour installer un puits canadien et une cuve de récupération d’eau de pluie. Il a également fallu changer la fosse septique qui ne respectait plus les nouvelles obligations réglementaires.
Deux forages de 70 m ont été réalisés en 2018 pour la PAC géothermique. Il était initialement prévu un unique forage de 140 m, qui n’a pas pu être réalisé du fait de la nature du sous-sol (remontées de sable fin à partir de 80 m). Les deux forages sont espacés de 10 m l’un de l’autre pour éviter des interactions thermiques.
Structure
À l’étage, un entrait (pièce de charpente parallèle au sol, souvent située à hauteur d'homme) a été coupé pour ouvrir un passage. Pour la remplacer, deux jambes de force (un sous chaque rampant) ont été installées par un charpentier et ont été reliés au sol par une poutre métallique pour assurer la rigidité de la structure.
Humidité
L’humidité de la maison a été traitée de plusieurs manières :
- Le sol de la maison a été décaissé de 55 cm. Des drains ont été installés dans le hérisson (cf. plus bas).
- Des menuiseries double vitrage et une correction thermique (enduit chaux-chanvre) ont été posés afin d’augmenter la température de surface des murs.
- Une ventilation mécanique contrôlée (VMC) va permettre un meilleur renouvellement de l’air intérieur.
- Sur le mur semi-enterré côté nord, des drains muraux parallèles et légèrement inclinés ont été installés. Cette technique artisanale a nécessité une adaptation de matériaux, initialement non prévus pour cela. Avec cette technique, les revêtements intérieurs semblent protégés de l’humidité (à l’exception des endroits n’ayant pas de drains). Cependant, la structure du bâtiment est toujours soumise à une humidité élevée, ce qui ne résout donc pas entièrement le problème.
Figures 13 et 14 : Drain mural avant la pose de l’enduit
Figures 13 et 14 : La zone sans drain en bas à droite est toujours humide
Le maître d’ouvrage a jugé l’installation de drains classiques à l’extérieur du mur non nécessaire dans l’immédiat, car elle nécessitait de creuser un fossé de 2 m de profondeur sur toute la longueur de la maison. S’ils s’avèrent que les drains muraux sont insuffisants, cette solution sera cependant mise en œuvre. Pour le moment, la maison est peu chauffée en hiver, puisqu’elle n’est pas encore habitée, et la ventilation n’a pas été mise en route. Les résultats sont tout de même convaincants, avec seulement deux petites zones humides sur les murs.
Murs
Pour conserver l’aspect extérieur de la maison, aucune isolation thermique par l’extérieur n’a été envisagée.
L’enduit existant, en partie au ciment, a été piqué et la façade de la partie habitable a été ré-enduite à la chaux aérienne et sable local sur gobetis de chaux hydraulique, afin de protéger la pierre de craie, qui est gélive.
Figure 15 : Façade sud ré-enduite chaux-sable
Au rez-de-chaussée, les murs ont bénéficié d'une correction thermique intérieure :
- Le mur nord semi-enterré a été enduit avec un enduit chaux/argile expansé/pouzzolane de 50 mm, doublé par un enduit de terre de 20 mm d’épaisseur.
- Le mur sud a été enduit avec un enduit chaux-chanvre de 80 à 100 mm d’épaisseur selon les endroits, doublé par un enduit chaux décoratif.
- Le pignon est isolé par 10 cm de laine de chanvre.
- Le pignon ouest ne sera pas isolé du fait de la présence de la cheminée et du four à pain, inclus dans un appentis.
À l’étage les murs ont été isolés, également de façon différente selon leur orientation :
- Le mur nord a été isolé par 17 cm de ouate de cellulose.
- Le mur sud a été isolé par 12 cm de laine de chanvre.
- Les pignons est et ouest ont été isolés par 10 cm de laine de chanvre, à l’exception de la cheminée du pignon ouest, qui est conservée pour son cachet.
Très ponctuellement, du polyuréthane (toilettes à l’étage) ou du polystyrène (joues des fenêtres) ont été utilisés pour des raisons d’encombrement.
À l’étage, une grande attention a été portée à l’étanchéité à l’air du bâtiment (utilisation d'adhésifs spéciaux, collage des liaisons, etc.). Une mesure d’étanchéité à l’air pourrait permettre de vérifier si cette attention a porté ses fruits.
Figure 16 : Mur nord avec enduit de terre 20 mm
Plancher haut
Les combles ont été isolés par insufflation d’ouate de cellulose sur environ 80 cm.
Les rampants ont été isolés par 2 cm de laine de bois et 28 cm de ouate de cellulose.
Figure 17 : Etage isolé et doublé
Figure 18 : Laine de bois et caissons pour ouate de cellulose
Plancher bas
Suite au décaissement de 55 cm du sol, des couches successives ont été mises en place :
- hérisson ventilé de 30 cm en granulats de verre expansé ;
Figure 19 : Drains ventilés et hérisson
- géotextile et dalle de chaux/pouzzolane de 10 cm ;
Figure 20 : Dalle de chaux/pouzzolane
- plancher chauffant sur liège expansé (40 mm), enrobé de mortier de chaux ;
- dallage en pierre de Bourgogne posé sur chape maigre de chaux.
Menuiseries
Au rez-de-chaussée, les fenêtres simple vitrage ont été remplacées par des fenêtres en chêne double vitrage avec petits-bois.
Figure 21 : Menuiseries bois double vitrage
À l’étage, des fenêtres de toit avec châssis à tabatière double vitrage ont été installées.
Figure 22 : Châssis à tabatière remplacés
Les volets ont été fabriqués à l’ancienne par le maître d’ouvrage, afin de se rapprocher le plus possible des volets anciens en chêne.
Figure 23 : Volets neufs fabriqués à l’ancienne (source : CREBA)
Aménagement intérieur
Du fait de l’aménagement de l’étage, la superficie de la maison doublera : elle passera de 118 m² à 236 m². L’aménagement de la grange pourra encore augmenter cette surface.
La maison sera à occupation variable. Lorsqu’elle sera finie elle sera habitée par deux occupants en permanence, voire plus lors des vacances scolaires ou des repas de famille. Il est également prévu de changer de chambre suivant la saison, les pièces les plus confortables en hiver n’étant pas forcément les mêmes en été.
Les pièces les plus froides se situent au nord et sont des pièces de service (dressing, sanitaires). Les pièces de vie donnent toutes vers le sud.
Tous les enduits intérieurs sont à la terre ou à la chaux, sauf sur certains murs en pierre où la pierre est apparente et à l’étage où des plaques de fibres-gypse ont été posées.
Figure 24 : Cheminée et murs en pierres apparentes, charpente apparente (source : CREBA)
Tous les éléments de structure en bois sont apparents. Les poutres avaient été peintes dans les années 70 mais ont été sablées, bien que cette technique efficace soit destructive. Pour le sol, les tomettes ont été conservées à l’étage. Au rez-de-chaussée, il a été choisi des dalles de pierre de Bourgogne vieillies, en calcaire de Massangis.
Figure 25 : Etage, avec sol en tomettes (source : CREBA)
Figure 26 : Dalles en pierre de Bourgogne au rez-de-chaussée (source : CREBA)
Deux escaliers ont été récupérés par le maître d’ouvrage pour relier le rez-de-chaussée à l’étage, l’un en bois à 1/4 de tour et l’autre en colimaçon.
Chauffage et eau chaude sanitaire (ECS)
Le système de chauffage a été installé en octobre 2018. Il s’agit d’une pompe à chaleur eau-eau sur forages verticaux de 10 kW (marque Waterkotte), avec ballon tampon. Le COP annuel théorique de la PAC est 6, ce qui est un très bon rendement.
Figure 27 : Pompe à chaleur eau-eau (source : CREBA)
La PAC fonctionne très bien, maintenant des températures entre 20 et 22°C dans la maison. Notamment, la fonction « natural cooling » en été, qui par la circulation d’eau à 18 °C dans les murs et planchers chauffants pendant une dizaine d’heures grâce à 4 circulateurs de 10 W chacun, maintient la maison en température sans aucune ouverture de fenêtre la nuit. Aucune condensation ne se produit même sur les portions de circuits non isolés.
Le réseau est calorifugé en chaufferie avec du polyuréthane et de la mousse au niveau des bagues, pour limiter au maximum les ponts thermiques.
Figure 28 : Calorifugeage des réseaux en polyuréthane (source : CREBA)
L’émission est ensuite assurée par un plancher chauffant basse température au rez-de-chaussée et à l’étage.
Figure 29 : Plancher chauffant
À l’étage, il y aura également des murs chauffants recouverts de terre dans la chambre.
Figure 30 : Mur chauffant derrière enduit terre
Pour limiter les consommations de chauffage, augmenter la luminosité à l’intérieur de la maison et allonger la saison potagère, une serre bioclimatique sera installée à l’angle de la maison et de la grange.
Figure 31 : Dessin de la future serre (projet)
Une installation solaire de 4 m² a été installée pour l’ECS, couplée à un ballon de 300 litres, avec un appoint électrique. Le système mis en place est du type auto-vidangeable par gravité. Pour limiter l’impact visuel des panneaux solaires ils ont été positionnés à l’angle entre la maison et le corps de ferme.
Figure 32 : Façade sud maison, avec les panneaux solaires (carré rouge)
Cette position n’étant pas idéale pour assurer l’amenée d’eau chaude au plus près des puisages sans perte d’eau, il a fallu adapter un petit réservoir tampon rempli automatiquement en eau chaude sur la base de capteurs de températures et d’un circulateur sanitaire activé ponctuellement.
Ventilation
Les consommations de chauffage seront également réduites grâce à la ventilation mécanique contrôlée (VMC) double flux, qui est couplée à un puits canadien. En effet, l’air extérieur est préchauffé par le puits canadien, avant d’être injecté à l’intérieur de la maison par la VMC double flux.
Le puits canadien fait 40 m de longueur et est enterré à environ 2 m de profondeur. Il est sur un terrain en pente, les condensats s’écoulent donc naturellement vers le bas.
Figure 33 : Puits canadien en fond de tranchée
Le puits canadien ainsi que les réseaux et bouche d’insufflation et d’extraction ont été réalisés en 2018, mais la VMC et le puits canadien ont été mis en service en septembre 2019. En effet, le maître d’ouvrage et propriétaire a attendu que la maison soit occupée pour installer la VMC, pour conserver la garantie constructeur.
Le système choisi, de marque Hélios (type KWL EC 300 W), fonctionne correctement. Il peut être piloté via une interface réseau, permettant de moduler les débits suivant 4 vitesses, et de suivre les températures de l’air extrait, rejeté, insufflé et neuf au niveau de l’échangeur.
Figure 34 : Echangeur VMC DF (source CREBA)
L’occupant a réglé les vitesses sur 1 la nuit (vitesse minimale), 4 vers midi (vitesse maximale) et 3 le reste du temps.
En hiver, le puits canadien permet de stabiliser l’air frais vers 10°C quelle que soit la température de l’air extérieur (gain compris entre 7 et 14°C) pour un débit de l’ordre de 200 m3/h. Il en est de même en été où la température de sortie du puits est de l’ordre de 17°C quelle que soit la variation de la température extérieure (jusqu’à 32°C à l'été 2020). L’activation automatique du by-pass permet donc de ventiler la maison avec un air très tempéré.
Problématiques transversales
Ponts thermiques
Les principes d’isolation choisis permettent d’éviter la plupart les ponts thermiques. Les seuls ponts thermiques restants sont :
- les refends ;
Figure 35 : Fuite d’air et pont thermique au niveau d’un refend (source : CREBA)
- les joues des fenêtres ;
Figure 36 : Les joues de fenêtres ne sont pas isolées (source : CREBA)
- les poutres encastrées dans le mur.
Figure 37 : Fuite d’air et pont thermique au niveau d’une poutre qui traverse le mur en pierre (source : CREBA)
Figure 38 : La poutre en question est visible de l’extérieur sur la façade nord (source : CREBA)
Bilan de la réhabilitation
Consommation et confort thermique après travaux
En théorie
La consommation énergétique conventionnelle après travaux a été calculée à partir d’un logiciel réglementaire pour le diagnostic de performance énergétique (DPE). La maison obtient une étiquette-énergie de classe B, ce qui est très encourageant.
Figure 39 : Étiquette énergie après travaux (source : CREBA)
Rappelons que pour un bâtiment construit avant 1948, le DPE doit être réglementairement calculé à partir des factures. Cependant, le calcul donne une idée des consommations énergétiques après travaux.
Les déperditions thermiques par les murs restent prépondérantes, ce qui paraît cohérent, vu que certains murs ne sont pas isolés, et que d’autres bénéficient simplement d’une correction thermique.
Figure 40 : Répartition des déperditions après travaux (source : CREBA)
En pratique
Les coûts réels de chauffage pourront être obtenus dans quelques années. En hiver, la température dans la maison est comprise entre 20 et 22°C. En été, la température n’a jamais dépassé 24°C à l’étage (sauf en cas d’absence prolongée de l’occupant). Au rez de chaussée, la température est tempérée par le mur semi-enterré pour ne pas dépasser 22-23°C.
Bilan financier
La maison est entièrement auto-réhabilitée. Et tout était à refaire pour la rendre habitable. Une analyse économique n’est donc pas pertinente.
Le maître d’ouvrage a cependant suivi certaines de ses dépenses :
- 8 000 € pour les isolants (fibre de bois, laine de chanvre, ouate de cellulose), les plaques de fibres-gypse et les frein-vapeur, soit 34 €/m² ;
- 2 000 € pour le terrassement et les tuyaux du puits canadien, soit 8 €/m² ;
- 2 600 € pour le terrassement et l’achat de la citerne d’eau pluviale (22 m3), soit 11 €/m²
- 30 000 € pour le système de chauffage comprenant les forages (12 000 €), la PAC (8 500 €), les planchers chauffants (6 000 €) et autres plomberie, accessoires, thermostats, ballon tampon… (3 500 €), soit 128 €/m²
- 4 500 € pour la VMC, le registre de by-pass motorisé et les accessoires, soit 19 €/m²
- 3 400 € pour les panneaux solaires et le réseau, 14 €/m²
- 14 000 € pour le décaissement, les granulats de verre, les drains et le carrelage, soit 59 €/m² ;
- 4 500 € pour la façade : fourniture chaux et sable et la mise en œuvre des enduits, soit 19 €/m²
- 37 000 € pour toutes les fenêtres, y compris fenêtres de toit faites sur mesure et à l'ancienne, soit 157 €/m².
Difficultés rencontrées
Lorsqu’une maison en aussi mauvais état est réhabilitée avec la volonté de préserver sa valeur patrimoniale, les difficultés sont nombreuses. Pourtant, comme le répète le maître d’ouvrage, « il n’y a pas de problèmes, uniquement des solutions ».
On peut citer trois difficultés principales qui ont été évoquées plus haut, pour lesquelles des solutions particulières ont dû être trouvées. Cependant, ces solutions ne contentent toujours pas le maître d’ouvrage :
- mise en place des « drains muraux » pour supprimer l’humidité du rez-de-chaussée ;
- manque d'artisans dans sa région pouvant l'aider à mettre en œuvre les procédés et les techniques non conventionnels qu'il avait choisis ;
- pas d'alternative au sablage des poutres, technique efficace mais destructive.
Des difficultés de mise en œuvre ont également été rencontrées :
- forage géothermique : il n’a pas pu être réalisé comme prévu (un seul forage de 140 m) compte tenu de la nature du sous-sol, et il a fallu en faire 2 de 70 m à la place, disposés différemment
- raccordement de la PAC : des fuites liées à une pâte à joint non conforme sont apparues fin décembre 2018, nécessitant un arrêt de la PAC et le reprise de toutes les étanchéités pendant l’hiver.
Maîtrise d’ouvrage : Pascal Fortunier | |
Maîtrise d’œuvre : pas de maître d’œuvre | |
Consommation énergétique : | |
Avant travaux : NC Après travaux : 86 kWhEP/m²/an |
|
Consommation énergétique conventionnelle en énergie primaire pour le chauffage, l’ECS, le refroidissement, calculées à partir d’un logiciel réglementaire pour le diagnostic de performance énergétique (DPE). |
Rédacteur de la fiche : François Marconot (Cerema Île-de-France)
Crédits photos : Pascal Fortunier (sauf mention contraire)
© 2018 CREBA
Pour plus d'informations : contact@rehabilitation-bati-ancien.fr